« Si trop de précision risque d’enfermer un discours dans un cercle étroit d’initiés, trop d’imprécision dilue à coup sûr l’intention même de communication. L’efficacité d’un message tient en effet à l’équilibre qu’il manifeste entre la ferme volonté d’écarter les risques d’ambiguïté et le souci de permettre à l’autres de l’interpréter à sa façon. Mais certains groupes sociaux, parmi les plus défavorisés, n’ont d’autre choix que celui de l’imprécision. Ils disposent d’un vocabulaire flou et ambigu dont la plupart des mots recouvrent chacun un champ de signification démesuré : tout peut être « cool », tout peut être « niqué » ; tout peut être « trop ; tout peut être « craint »… Une bonne partie de ces mots « nouveaux peuvent ainsi se mettre à toutes les sauces contextuelles ; ils s’appliquent docilement à n’importe quelle situation. L’étendue de leur signification est tellement vaste que leur pouvoir d’information tend vers zéro car, si tout peut être « grave », rien ne l’est vraiment. »
Bon on voit bien pourquoi je souligne ce passage,
Plus loin :
« Mais ceux dont le vocabulaire est limité et imprécis, ont-ils un réel pouvoir linguistique ?Non, ce sont des « pauvres du langage » condamnés à ne pas communiquer que dasn l’immédiat et dans la proximité. Car ceux qui n’ont jamais la chance sociale et culturelle d’être invités aux concerts de la communication élargie n’ont que peu de raisons de se doter d’instruments justes et pertinents. Non parce qu’ils seraient intellectuellement incapables de les acquérir, mais tout simplement parce que, dans le petit périmètre de communication qui leur est concédé, ces instruments n’ont pas leur utilité. En d’autres termes, lorsqu’un groupe social est tenu à l’écart des cercles de réflexion collective, des lieux d’influence et des centres de décision, il va « naturellement » fabriquer des moyens de parole réduits parce que ceux-ci constituent la réponse linguistique pertinente à la situation culturelle et sociale réduite qui lui est imposée. C’est en effet le degré d’ambition sociale que l’on nous autorise qui règle notre envie et notre capacité de conquérir le verbe. Pour oser parler, pour avoir l’audace d’aller chercher par la parole l’autre au plus loin de soi-même, il faut avoir compris ce que parler veut dire. Il faut être sûr que parler constitue plutôt une promesse qu’une menace ; savoir qu’une chance réelle existe d’exercer un peu d’influence sur le monde. Plus étroit est le « cercle de parole », plus faible en est la maîtrise, et plus grande est la crainte à se hasarder au dehors. (…) C’est donc bien la marginalisation culturelle et sociale qui engendre l’insécurité linguistique ; mais la réduction des outils lexicaux, grammaticaux et discursifs qui en résulte rend cet enfermement de plus en plus sévère, et de plus en plus faibles la volonté et les chances d’évasion. »
Ce livre sans enfoncer des portes ouvertes, dit tout de même des choses qu’il est toujours bon de rappeler.
Puis, faisant les constats ci-dessus, il nous montre l’évidence de certains constats actuels
Combien l’impuissance linguistique peut mener à la violence
Combien quelqu’un désarmé face à l’autre, dans l’incapacité de maîtriser les mots et les concepts peut se sentir tant et tant impuissant qu’il se met en colère.
Ben oui.
Ca vaut pour les jeunes devant les juges (ces derniers ne font-ils pas le jeu du fossé en négligeant de prendre en compte le niveau de langage de l’autre ?), les enseignants…
Ben oui, CQFD pour moi aussi.
c'est le degré d'ambition sociale que l'on nous autorise qui règle notre envie et notre capacité à conquérir le verbe. ET l'intelligence n'a rien à voir là dedans.
Si on n'a pas de nécessité à maîsitrer telle ou telle chose...