Reinhard JIRGL
Renégat, roman du temps nerveux
Quidam Editeur / collection Made in Europe, 2010
Le livre
Je vous ai déjà présenté des livres de la même collection chez cet éditeur – et notamment L’homme qui tua Roland Barthes de Thomas Clerc.
La maison d’édition est remarquable. Fondée en 2002 (pour ce que j’en sais) par Pascal Arnaud, sise à Meudon. Sail ligné éditoriale se décline rien moins qu’en terme de relation plus qu’étroite entre le fond et la forme et de marge :
« Quidam Editeur se consacre à la littérature contemporaine, française et étrangère, avec une prépondérance pour des ouvrages dont le style jaillit de la forme. La maison a l'intention d'élaborer dans les marges de la pro duction courante une collection d'auteurs européens en particulier, oubliés, délaissés ou parfois incompris à cause de leur trop grande singularité ».
Le logo de la maison d’édition est signé Moebius !!
Sur la couverture donc, un Intranquille d’après Falling ManII de Richard Artschwager… Vous pouvez en voir une variation là. C'est un artiste américain mais aux parents germanophones.
Le pitch
Plusieurs vies se croisent et notamment celle d’un ancien garde-forestier (garde frontière) qui pleure sa femme, malgré son insatisfaction vis-à-vis du mariage et un journaliste en pleine errance aussi. Cynique mais extrêmement intéressant, surtout pour la forme qui sert ces deux errances...
L auteur
Reinhart JIRGL, nous dit la quatrième de couverture est né en 1953 à Berlin où il habite. A savoir : il vient de remporter le Prix Georg-Büchner, et ALferd-Döblin.
Mes modestes remarques
Je n’avais pas lu Reinhart Jirgl avant celui-là. J’ai juste constaté qu’il était chroniqué par Bartleby les yeux ouverts, dont je goûte l’exigence en matière de littérature, même si je ne partage pas 100% de ses sympathies. Je n’ai pas lu la chronique, par peur de tout découvrir sous l’œil ouvert et scrutateur, j’ai juste saisi qu’il s’agissait d’un OLNI (Objet littéraire Non identifié) et qu’il fallait que je m’y plonge.
Jirgl invente sa langue. La sienne propre. Tout est invention. Au début, d'ailleurs, j'ai pensé à un autre renaégat des lettres allemandes : Arno Schmidt ! Je fus d’abord si déroutée que je voulus prendre des notes comprendre.
Pour commencer, la linéarité, ou plutôt la navigation. Au dos de la page de titre les précautions d’usage :
« 1. les liens renvoient à des textes présents en divers endroits du roman. 2. L’en-tête encadré renvoie soit à un chapitre, à une page ou un passage du texte matérialisé par un -à » Il faut bien comprendre que le texte se renvoie à lui-même en avant en arrière. Un passage encadré peut venir de plus loin ou de plus tôt.
Puis, encore moins négligeable et plus singulier : la typographie et le vocabulaire.
Donc, pour commencer gentiment, les expressions toutes faites du langage courant se retrouvent soit en mots complet « Laville » « Cesgens » « toutcetempsdurant », soit avec des tirets « Partout-à-laronde », « l’Ordre-de-tier », « Mur-de-Berlin ».
L’orthographe et la phonétique : certains mots sont écrits presque en phonétique comme les sigles : la RDéA. Les « et » sont tour à tour « et » « é » ou & (« fumant&mangeant », « la crasse de leurs bottes & la puanteur de leurs corps ».
Les signes typographiques : outre ces « et » remplacés par des &, on croise devant, m’a-t-il semblé, les mots qu’il veut accentuer des points d’exclamation ! ou d’interrogation ? ou les deux ?!. Un peu à l’espagnol en somme. Je me suis souvent prise à relire la phrase à haute voix, pour m’apercevoir, qu’en effet l’accentuation change tout !
Vous trouvez enfin des signes = entre des termes. Je me suis, pendant de longues pages interrogées : les termes de chaque côté du signe égale, s’ils ne sont pas des synonymes, sont-ils toujours grammaticalement équivalent (entre deux adjectifs) – le réponse est négative on le sait dans les premières pages : « sur=le=champ » « Mon-Devoir jour&nuit=à-la-frontière », « venus=de-l’Est ». Mon hypothèse suivante fut que Jirgl (ou ses personnages) induisait toujours par là un avis une appréciation, un point de vue … exemple : « chaquejour=lelotquotidien », ou « Cela devait être la routine des jours = la mort en cet endroit », « mon appartement=mon antre=ma cache », « là-bas=dehors », « tenaient leurs ouvriers entièrement = sous leur férule »… Pourtant des fois, il semble s’en servie comme des tirets. Vous pensez « Au ! secours » qu’elle nous délivre de ses hypothèses, qu’en est-il ?
Rien, car vite, SuperPanda me suggéra de continuer à lire, pour me familiariser. Il suggérait que l’apprivoisement serait plus efficace que la dissection in petto. Il avait raison, Jirgl a continué à m’écrire à me parler, et sa langue à lui me fut vite « familière ». Je pense que ses jeux incessants sur la typographie et l’orthographe nous obligent à des questionnements sains sur les mots et leur musique, sur l’accentuation. Il serait faux de vous faire croire qu’au bout de quelques pages on ne fait plus attention, mais oui « on s’y fait ».
Donc ce matin-là, suite aux conseils de SuperPanda (SP), j'avais repris ma conversation-café avec Jirgl et son "Renégat" : "mais écrire dévore la vie" m écrivait- il.... "- et lire alors !?" exclarogativais-je en-reprenant une lampée-de-café=chaud pour mieux le lire=entendre=approcher. ! Faites-en=de-même !
Les extraits
« Je me suis enfui é : je suis resté. Resté dans la balance de trois fléaux portés par le couteau : l’alcool l le journal l la femme. (Nulle part où trouver refuge.)"
« - La Suisse (aurait-elle crié) – est 1 pays où !personne ne devrait vivre. »
Voir aussi
du même auteur (chez le même éditeur) d'un autre auteur fou et talentueux chez le même éditeur
Les inachevés Johnson les Malchanceux
Ce dernier livre, étant en fait une boîte avec de fins cahiers,
à chaque lecteur de choisir dans quel ordre il les lit.
Je les avais lu moi avec SP
chacun lisait un cahier puisé selon sa propre méthode, chacun son tour.
Lu mais n'ai rien à en dire :
Volodine les écrivains
Swedenborg
Emerson (le trascendentaliste américain) La confiance en soi
Savinio Achille enamouré
Kloetzer Cleer
En lecture
London orbital, Iain Siclair - Inculte édition
La lettre écarlate de Hawthorne
Le manuscrt de Hopkins de Sheriff (à L'Arbre vengeur)
et depuis ce matin j'ai dans mon sac NEf des fous par Richard Russo - conseil du Voyageur Enthousiaste.
En préparation
La soirée "London orbitall" avec Iain Sinclair et Philippe Vasset au Palais de Tokyo jeudi 18 au soir